Un bon programme de fidélité c’est une question de culture

Quand on voyage beaucoup on perçoit la valeur des programmes de fidélité. Des programmes très intéressants pour le voyageur fréquent (mais pas seulement….on peut avoir des statuts sur certains programmes sans trop d’effort) à condition de bien comprendre leur fonctionnement et qu’ils soient bien appliqués.

Bien comprendre le fonctionnement a priori c’est simple. Il suffit de lire les documents explicatifs et, c’est sans doute cela le plus compliqué, bien en suivre les évolutions dans le temps.

Un programme de fidélité ne vaut que par son exécution

L’exécution est ce qui pose le plus problème. Un programme de fidélité est conçu au siège et appliqué dans les hôtels. Parfois les hôtels sont propriétés de la marque, parfois opérés en franchise. Et dans le cas d’une franchise les marques sont très inégales dans la manière qu’elles ont de maintenir les hôteliers dans les clous du programme.

Chez TravelGuys nous sommes historiquement méfiants avec le programme de fidélité Le Club Accorhotel. Non qu’il soit mauvais (mais il peut mieux faire quand même) mais parce que sa mise en œuvre dans les hôtels a toujours été par expérience très inégale. Parfois tout allait parfaitement, parfois au delà même de nos espérances, et parfois il fallait pleurer pour obtenir un par un chacun des bénéfices auxquels nous avions droit. Il paraît que cela s’est amélioré, on ira revérifier mais en attendant on n’avait ni envie de jouer à la roulette russe ni de quémander pour des choses dues.

A l’inverses nous avons toujours été fan de SPG (Starwood Prefered Guest), le programme. de fidélité de Starwood. Pourquoi ? D’abord en effet parce qu’ils offre des bénéfices « consistants » à partir de seuils « atteignables ». Ensuite, et surtout, parce que son exécution était limpide pour le plus grand bonheur du client fidélisé.

Alors bien sur il y a toujours quelques hôteliers récalcitrants qui rechignaient par exemple à donner des suites (alors que c’est un bénéfice explicite à partir d’un certain statut) mais de manière générale le programme fonctionnait bien dans 98% des cas.

Et Marriott racheta Starwood…

Une fusion en dit beaucoup sur les cultures d’entreprise

Dans un premier temps la fusion des programmes de fidélité s’est très bien passée. Les anciens membres SPG étaient heureux de ne pas voir leur programme favori dévalué (ce qui arrive dans la plupart des cas) et les anciens membres Marriott Rewards étaient heureux devoir débarquer une foule de bénéfices d’attentions auxquels ils n’avaient pas droit avant.

Logique : en achetant Starwood, Marriott voulait acheter plus que des hôtels. Ils achetaient un ADN orienté marketing et expérience client et un programme de fidélité adulé par ses membres. Quand les clients appellent un groupe hôtelier non par son nom mais par le nom de son programme de fidélité cela veut tout dire. Et tout aussi logiquement c’est la substance de SPG qui a prévalu pour construire le « programme commun ».

Mais dans pratique cela n’a pas été aussi rose comme le montre cet article. Refus de surclassements normalement obligatoires alors que des chambres étaient disponibles dans les catégories concernées, refus de laisser les clients utiliser leurs points pour acheter des chambres à certaines périodes….visiblement certains hôtels du groupe Marriott ne jouaient vraiment pas le jeu voire, pour dire les choses clairement, trichaient avec les règles du programme au détriment du client.

Le delivery d’un programme de fidélité : une affaire de culture et de formation

Deux raisons à cela.

La première, à mon avis, est logique. Pour un hôtelier donner au client plus d’avantages qu’auparavant est un coût. Bien sur il y a les bénéfices en termes de fidélisation, de revenu généré par les clients qui viennent sans mise en concurrence et ce sans aucun effort marketing…Mais les bénéfices d’un programme de fidélité pour une chaîne ou un groupe s’apprécie globalement (l’engagement du client bénéficie à tous) alors que pour l’hôtelier c’est un coût. Pour lui le bénéfice est diffus , indirect mais le coût est réel et direct. Mais pour avoir eu connaissance, pour un programme donné, du ratio entre les revenus générés par les membres du « top tier » en comparaison des autres les chiffres donnent juste le vertige.

Le second point, évoqué dans l’article, est tout aussi pertinent. Suite à la mise en place  du nouveau programme ils n’ont visiblement reçu aucune formation et très peu d’information sur sa mise en œuvre. On ne peut pas reprocher à quelqu’un qui n’a été ni informé ni formé de ne pas aller dans la bonne direction.

Ce qui n’est pas sans me rappeler l’anecdote. entendu de la bouche d’un hôtelier qu avait eu une fois dans sa vie à gérer le passage d’un hôtel anciennement indépendant sous une enseigne AccorHotels. « Du jour au lendemain on a vu débarquer des clients qui réclamaient les bénéfices liés à leur statut alors qu’on avait à peine eu une note dessus et aucune formation ».

Chose confirmé par un ami qui poursuit son petit bout de chemin dans la galaxie Starwood..heu Marriott…. « le secret de SPG c’est le training…encore et toujours, pour être sûr que le programme soit exécuté à la virgule près, avec la bonne attitude et que les gens acquièrent les bons réflexes ».

Mais comme cet autre article le montre Marriott va encore devoir faire la police dans se hôtels, à commencer par ses propres employés au service client. Faire la police c’est bien mais c’est évitable si on fait convenablement le job d’information et de formation en amont.

Qu’un hôtelier ne joue pas le jeu et c’est l’image de tout le programme et le business de tous les autres hôtels qui en pâtit.

Car la bonne exécution d’un programme ça n’est pas que donner au client une liste de bénéfices en fonction de son statut. C’est une attitude et des réflexes qui permettent de faire la bonne chose au bon moment même dans un cas non prévu par le programme. C’est la construction d’une sorte de culture commune face au client

Où l’on revient à Marriott

Bonvoy, Malvoy ?

Le programme commun à désormais un nom. Le 13 février Marriott Rewards et SPG vont laisser la place à Bonvoy. Ok trouver un nom au lieu de laisser un programme unifié exister sous deux noms différents avait du sens et était même nécessaire. Mais peut être y-avait il plus important.

Je passe sur la pertinence du nom choisi, je pense qu’on aura l’occasion de faire des blagues dessus tout au long de l’année. Mais avant d’investir des sommes que je suppose conséquentes dans un branding douteux il aurait été bon de se rappeler que le meilleur marketing d’un programme de fidélité c’est l’expérience vécue par le client, donc la manière dont le programme est exécuté et les bénéfices délivrés.

Sans formation il restera pendant longtemps un écart entre la manière dont les hôtels ex Marriott Rewards et ex SPG exécuteront le programme et si décevoir un client est inacceptable dans un métier de service, quand il s’agit d’un client qui passe 75, 100 nuits ou plus dans vos hôtels est le meilleur moyen de s’acheter de la contre-publicité.

Bref l’excellence d’un programme de fidélité réside dans l’ADN et la culture de ceux qui l’exécutent. Une belle promesse sans une vraie expérience vécue ne vaut rien. Pire, elle est déceptive.

Photo : programme de fidélité de Inspiring via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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