Le décrochage est le résultat du fait qu’un avion perde de la portance et commence à perdre de l’altitude.
Le décrochage est pour un avion un des événements potentiellement les plus graves, bien plus que les turbulences qui font si peur aux passagers. Potentiellement seulement car un décrochage ne devient critique que s’il n’est pas identifié.
Pour expliquer ce qu’est un décrochage, comment les éviter ou y remédier, il faut d’abord comprendre comment un avion vole.
Cet article est bien entendu vulgarisateur et les experts pardonneront certaines simplifications.
Comment vole un avion ?
Lorsqu’un avion vole il se passe un écoulement d’air à la fois sur le dessous de l’aile (intrados) et le dessus de l’aile (extrados).Les flux d’air collent au profil de l’aile ce qui crée une différence de pression (plus basse en haut et plus haute en bas) dont le résultat est une sorte d’aspiration qui tire l’avion vers le haut : la portance (lift).
Donc contrairement à ce qu’on croire l’avion ne se repose pas sur ses ailes mais elles l’aspirent vers le haut. Et la pression n’est pas non plus due à la différence de vitesse entre les flux d’air mais juste au fait qu’ils suivent le profil de l’aile.
Qu’est ce que le décrochage ?
On appelle angle d’attaque ou angle d’incidence l’angle avec lequel l’air attaque l’aile. Lorsque cet angle est trop important, 15 à 20°, le flux d’air se décolle de l’extrados, cela crée une chute plus ou moins brusque de la portance et à ce moment l’aile « décroche ».
Ce qui se passe est que les deux flux d’air ne se rejoignent pas en bout d’aile ce qui leur empêche de générer de la portance. Ce phénomène est bien visible sur la photo qui suit.
Pour éviter un décrochage les pilotes ne doivent pas voler en dessous d’une certaine vitesse appelée vitesse de décrochage. En effet une diminution de la vitesse nécessite, afin de conserver l’altitude, d’augmenter l’incidence. Mais ça n’est pas la vitesse qui fait décrocher un avion, c’est l’incidence qu’elle provoque.
Cette vitesse dépend d’un certain nombre de facteurs et donc varie en fonction de l’appareil, de sa charge, de la phase de vol etc.
Quelles situations causent un décrochage ?
Comme on l’a dit un avion décroche si et seulement si l’angle d’attaque est trop important.
Cela peut arriver au décollage lorsque l’angle de montée demandé est trop important par rapport à la vitesse et inversement à l’atterissage lorsque la vitesse est trop faible et que le pilote essaie de cabrer pour retarder son atterrissage.
En vol c’est encore la même chose : lorsque le pilote continue à cabrer alors que la vitesse diminue. Cela arrive lorsqu’il essaie de préserver l’altitude au détriment de la vitesse.
Comment sortir d’un décrochage ?
Si le pilote ne fait rien l’avion va peu à peu piquer vers le bas, ce faisant il va réduire son angle d’incidence, augmenter sa vitesse et le pilote pourra rapidement en reprendre le contrôle.
La seule erreur qu’il puisse commettre est de vouloir limiter la perte d’altitude et redresse l’appareil avant qu’il n’ait retrouvé une portance suffisance.
En théorie si le pilote ne fait rien le décrochage sera facilement récupéré.
Dans la pratique on demande au pilote de mettre l’avion en descente forte et d’augmenter les gaz.
Il est donc a priori très facile de sortir d’un décrochage pour peu qu’on l’ait identifié !
C’est une situation que j’ai personnellement vécu et testé en simulateur, avec l’excellente équipe de Flightsensations.
Partant d’une certaine altitude j’ai cabré l’avion au maximum, il est monté puis a décroché. Il a alors réalisé une abatée (il s’est mis naturellement en descente) et je l’ai laissé reprendre portance et vitesse jusqu’au moment où j’ai pu le récupérer, exactement à l’altitude où j’avais commencé la montée.
Bon, cela peut sembler simple mais sans un instructeur dans le siège de droite pour me « coacher » j’aurais surement fait une grosse bêtise et fait l’inverse de ce qu’il fallait.
Un décrochage peut il être fatal ?
Il est facile de comprendre qu’un décrochage peut avoir des conséquences dramatiques mais dans les faits cela n’arrive (presque) jamais.
Tout d’abord parce que c’est une situation que les pilotes sont entrainés à gérer très tôt. N’importe quel pilote amateur a vite appris à identifier et gérer un décrochage. Un peu comme faire un créneau quand on apprend à conduire : c’est la base.
Ensuite parce que les avions ont atteint un niveau de perfectionnement qui fait qu’ils sont capables d’éviter par eux-mêmes de se retrouver dans une situation à risque et qu’en toute hypothèse le pilote sera alerté par des alarmes.
En fait le vrai risque est lorsque le pilote n’arrive pas, pour une raison ou pour une autre, à identifier une situation de décrochage et entreprend les manoeuvres inverses à celles qui s’imposent en croyant en toute bonne foi qu’il a un autre problème, en général un problème d’altitude.
C’est ce qui s’est passé lors du tragique vol AF447.
Les pilotes ont été trompés par leurs instruments, ont entrepris les mauvaises manoeuvres et il est aussi apparu que puise les avions modernes étaient en théorie incapables de décrocher les pilotes étaient moins entrainés à gérer cette situation que ne peuvent l’être des pilotes amateurs volant sur des avions moins perfectionnés. Désormais même si un avion de ligne n’est plus supposé décrocher, on continue à entrainer régulièrement les pilotes à identifier et gérer un décrochage.
C’est un des deux seuls cas de décrochage fatals en croisière avec le vol West Caribbean 708 en 2015.
On pourrait également parler de ce vol Northwest mais il n’embarquait pas de passagers et le décrochage n’est pas la cause de la perte de l’avion. Les pilotes ont réussi à reprendre le contrôle de leur appareil mais ont ensuite mal géré leurs priorités : ils se sont concentrés sur le redémarrage des moteurs au lieu d’envisager de se poser le plus vite possible.
Mais si vous voulez voir les conséquences d’actions irresponsables de la part d’un équipage je vous conseille cette vidéo.
Conclusion
Un décrochage est très simple à contrer mais peut avoir des conséquences dramatiques si l’équipage n’identifie pas cette situation. Dans les faits ça n’est arrivé que deux fois, vous pouvez dormir tranquilles.
Image : Aile d’avion de BABAROGA via Shutterstock