Pourquoi faut il parfois totalement éteindre son portable à l’atterrissage ?

Peut être avez vous été surpris, avant un atterrissage, d’entendre le pilote ou l’équipage demander d’éteindre totalement téléphones portables, tablettes et ordinateurs. Mais pourtant il suffit que les appareils soient en mode avion, alors qu’est-ce qui leur prend de demander une extinction complète ?

Et bien la réponse est simple : vous allez faire un atterrissage automatique (ou « autoland« ). Autrement dit, l’avion va se poser sans intervention du pilote (sauf que sa PRÉSENCE est fondamentale, vous le verrez plus loin ) et cela demande d’appliquer certaines précautions au nombre desquelles l’extinction totale de tous les appareils électroniques.

L’autoland pour les atterrissages sans visibilité

En croisière les pilotes ont recours au pilotage automatique. Il « suffit » de donner à l’avion une vitesse, une altitude et un cap et le pilote automatique s’occupe du reste. Mais certains avions peuvent également sous certaines conditions se poser « automatiquement ».

C’est une procédure à laquelle on a recours lorsque la visibilité est insuffisante pour un atterrissage « conventionnel ».

Il convient donc de commencer par se demander comment on fait atterrir un avion :

Atterrissage à vue, atterrissage aux instruments, atterrissage automatique

Historiquement la première forme d’atterrissage qu’on ait connue est l’atterrissage à vue. Le pilote voit la piste et pose son avion. C’est ainsi qu’on procédait aux débuts de l’aviation. Une approche viable à l’époque où on volait moins haut et ou les impératifs de l’aviation commerciale ne demandaient pas qu’on puisse se poser de nuit ou peu importe le temps (bon en fait avant d’être commercial le besoin était on s’en doute, militaire).

L’industrie a donc travaillé dans deux directions : l’atterrissage sans visibilité et l’automatisation.

L’atterrissage sans visibilité repose sur l’Instrument Landing System ou ILS. Une balise indiique à l’avion la direction de la piste, une autre l’angle qu’il doit suivre pour se poser. En visualisant ces indications le pilote peut ainsi amener son appareil jusqu’à la piste quasiment à l’aveugle. On appelle un atterrissage aux instruments un atterrissage IFR (Instrument Flight Rules).

Une fois qu’on avait les informations pour un atterrissage IFR il n’y avait plus qu’à automatiser les actions de l’avion en fonction. Et cela n’a rien de neuf. Le vol aux instruments date de 1929, le premier atterrissage aux instruments date de 1930 et le premier atterrissage automatique de 1937 pour l’aviation militaire. Le premier ILS a été installé en 1932 ! Bien sûr il a été perfectionné avec le temps pour aujourd’hui atteindre une précision extrême. Le premier atterrissage entièrement automatique sans intervention des pilotes pour un appareil commercial date de 1960 : il s’agissait d’une Caravelle de Air Inter.

Dans la pratique les pilotes n’ont recours à l’atterrissage automatique que dans des cas vraiment extrêmes. En général ils volent aux instruments et en automatique jusqu’à une certaine altitude appelée « altitude de décision ». Si, cette altitude atteinte, ils voient la piste alors ils reprennent les commandes et effectuent l’atterrissage en manuel. Si ils ne la voient pas ils interrompent leur approche et remettent les gaz.

Mais sous certaines conditions l’appareil peut aller jusqu’au bout de la manœuvre et se poser tout seul sans intervention du pilote si celui-ci, une fois a 50 pieds du sol, enclenche le dispositif adéquat.

Un avion peut se poser sans intervention du pilote si…

Sans surprise, il y a des restrictions à l’atterrissage automatique et elles concernent le pilote, l’avion et la piste.

Le pilote, on s’en doute, doit être formé pour. Sans trop rentrer dans les détails, certains ILS le permettent et d’autres pas (les ILS CAT I et II permettent d’amener l’avion près du sol, le CAT IIIb de l’amener jusqu’au sol). Enfin, l’avion doit être certifié pour, ce qui signifie deux deux choses. Tout d’abord, et cela va sans dire, d’être « intrinséquement » capable de le faire. Ensuite d’avoir récemment démontré que les systèmes permettant l’autoland fonctionnent. Pour être certifié un avion doit avoir effectué au moins un autoland dans les 30 derniers jours, ce qui explique qu’on ait recours à l’autoland même en plein été quand la visibilité est maximale, histoire de maintenir la qualification.

Oui mais pourquoi je dois couper mon portable en cas d’autoland ?

Ah oui on s’est éloignés du sujet de départ. Effectivement depuis 2014 on peut utiliser son mobile durant toutes les phases du vol, même si cela reste à la discrétion de la compagnie. Toutefois l’absence totale d’impact des appareils, même en veille, n’a jamais été démontré à 100%, le risque d’incident étant simplement estimé comme hautement improbable. Mais en cas d’autoland on considère que les conditions sont suffisamment critiques pour imposer que tous les appareils soient totalement éteints et pas seulement en mode avion. Cela inclut les ordinateurs portables. Une sorte de principe de précaution.

Une consigne peu suivie ?

Une question que je me suis souvent posée est « les gens vont ils vraiment éteindre tous leurs appareils ? ». Selon mes expériences récentes la réponse est « non ».

J’ai deux expériences précises en tête.Dans le premier cas le pilote a annoncé le fait qu’on allait se poser automatiquement et que cela impliquait l’extinction de tous les appareils. Il me semble qu’autour de moi la plupart des téléphones ont été éteints mais je n’ai vu personne ressortir son ordinateur pour l’éteindre. Par contre beaucoup de passagers ont parlé entre eux de l’autoland, visiblement, les moins habitués au voyage en avion avaient quelque appréhension.

Dans le second cas la seule annonce a été « en raison du manque de visibilité nous vous demandons d’éteindre totalement vos appareils électroniques ». Le lien entre visibilité et appareil électronique étant loin d’être évident je peux vous dire qu’à part ceux qui savaient ce que cela signifiait personne n’a bougé.

Ce qui pose la question, d’ailleurs, du mode de l’annonce. Annoncer l’atterrissage automatique pour faire de la pédagogie même si cela va en inquiéter certains ou juste demander l’extinction sans que personne ne comprenne pourquoi ?

La raison est simple: la puissance d’émission des téléphones d’aujourd’hui sur des bandes multiples, G3 G4 Bluetooth Wifi, une bonne partie des sièges étant très à portée des boîtes électroniques complexes sous le plancher vers l’avant de l’avion.

Au fait l’appareil se pose vraiment sans intervention du pilote ?

Bon tant qu’on y est autant poser la question qui tue. Pourrait on se passer totalement de pilote s’il ne fait rien pendant un autoland ?

Si l’appareil se pose seul, il le fait sous la supervision du pilote, ce qui n’est pas du tout la même chose.

L’appareil, par exemple, ne décidera pas d’une remise de gaz, c’est le rôle du pilote.

Arrivé à 50 pieds c’est le pilote qui décide de poursuivre en automatique jusqu’au bout, pas la machine.

L’avion n’enclenchera pas les inverseurs de poussée seul pas plus qu’il ne pourra conduire l’avion de la piste au terminal sur le taxiway (en tout cas pour l’instant).

Et pour vous remercier d’être arrivés au bout de l’article, la vidéo de l’atterrissage d’un Airbus A330 d’Air France à Roissy en mode automatique.

https://www.youtube.com/watch?v=i1joEc-vKsk

Et celle d’un Boeing 737 à Genève.

PS : j’ai essayé d’être aussi vulgarisateur que possible, que les experts pardonnent les raccourcis ou les approximations. Et merci à mon cher « Triple T », pilote long courrier de son état, pour avoir relu, apporter quelques précisions et validé que le « terrien » que je suis ne racontais pas de bêtises.

Photo : éteindre son portable De asiandelight via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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