Sonesta, ce groupe hôtelier qui croît pendant le COVID

Les grands groupes hôteliers souffrent avec la crise du COVID et on parle davantage de fermetures de chambres ou d’établissements que de croissance. Mais pour certains la crise du COVID est l’occasion de mener une stratégie de croissance à moindre effort.

Sauf si vous allez régulièrement aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud vous n’avez sûrement jamais entendu parler de Sonesta. Et on ne va pas vous en vouloir car si dans les années 90s je n’avais pas séjourné quelque fois au Sonesta de Key Biscayne en Floride (qui n’existe d’ailleurs plus), ce nom me serait totalement étranger aujourd’hui.

Sonesta, un acteur mineur du paysage hôtelier

Sonesta c’est un groupe hôtelier nord américain haut de gamme dont le terrain de jeu est le continent américain et qui compte à ce jour aux alentours de 80 établissements. Pas de quoi impressionner (indépendamment de la qualité des établissements).

Pour un groupe hôtelier croitre n’est pas une si simple affaire, surtout quand on a un positionnement plutôt premium. Ouvrir un hôtel demande déjà de trouver la bonne ville et le bon emplacement en ville, correspondant au standing de l’établissement. Et en général les bons emplacements sont déjà pris par la concurrence et il faut attendre qu’elle décide de se séparer d’un hôtel ou que son exploitant décide de changer d’enseigne.

Ou alors il y a possibilité de créer quelque chose ex-nihilo, ce qui est encore le cas dans des zones en plein développement où l’on continue à construire. Dans ce cas il faut s’adosser à un opérateur qui en général fera construire et soit opérera l’hôtel lui même soir laissera l’investisseur exploiter l’hôtel sous une des marques du groupe. Cela prend du temps et en général un opérateur préférer s’adosser à une marque ou un groupe qui ont une grosse empreinte donc attirent une clientèle importante sur leur simple nom/leur programme de fidélité. Ce qui joue en défaveur de petits acteurs comme Sonesta.

Le jeu des chaises musicales des marques hôtelières

C’est pour cette raison que les grands groupes hôteliers sont de moins en moins propriétaires de leur immobilier et se contentent d’opérer ou faire opérer des hôtels par des partenaires alors que pour les plus petits il faut se débrouiller tout seul.

Cette nuance est très importante à comprendre : la plupart des hôtels de chaines sont « opérés » par une entreprise locale sous une marque dont d’un grand groupe donne la franchise ou parfois par le groupe lui-même, mais le plus souvent le groupe franchiseur n’est pas propriétaire des murs de l’hôtel.

Le contrat prévoit bien sur une date de fin à l’issue de laquelle il peut être ou non renouvelé (et dans ce cas l’opérateur est livre de changer d’enseigne) ou encore des clauses permettant d’y mettre un terme si une partie ou une autre ne remplit pas ses obligations.

Quand IHG manque à ses obligations

Ces contrats d’exploitation comprennent un certain nombre d’obligations réciproques que nous détaillerons dans un autre article. Parmi celles-ci figure souvent une obligation de revenu vis à vis de l’opérateur de l’hôtel.

En effet un opérateur va choisir un franchiseur en fonction de l’attractivité de sa marque pour le public, ce qui est la base du succès commercial. Et il paye très cher pour avoir une marque à forte attractivité. Et que se passe-t-il si un certain niveau de revenu n’est pas pas atteint ? Et bien le franchiseur compense car on considère qu’il a survendu sa marque.

En 2020 les revenus n’ont pas été au rendez-vous pour nombre d’hôteliers et on sait très bien que la marque n’est pas en cause. Mais peu importe.

C’est ainsi qu’un opérateur/promoteur immobilier (SVC) a fait savoir que IHG (Intecontinental, Holiday Inn, Crowne Plazza…) lui devait 8 millions de dollars au titre du seul mois de juillet et que s’il n’était pas payé dans les temps cela entrainerait la fin du contrat qui lie les deux entreprises (pour 103 hôtels) et que les hôtels en question seront soit revendus soit « rebrandés » et passés sous une marque concurrente.

Pour ce qu’on sait aujourd’hui ils devraient passer sous la marque Sonesta qui hérite à moindre frais d’un portefeuille d’hôtels plus important que celui dont elle dispose aujourd’hui !!

Et voilà donc une grande partie de ces 103 hôtels qui va quitter IHG et Sonesta va voir le nombre d’hôtels qu’elle exploite passer de 80 à plus de 160

SVC lâche également Marriott

Mais un investisseur comme SVC ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. L’investisseur est également en affaires avec Marriott, le plus grand groupe hôtelier mondial.

De la même manière SVC a annoncé qu’au 31 janvier 2021 122 hôtels opérés sous marque Marriott et étant sa propriété allaient passer également sous pavillon Sonesta, toujours pour défaut de paiement de certaines garanties.

C’est ainsi que Sonesta va quasiment tripler de taille sans grand effort.

IHG et Marriott vont bien merci

Si les signaux sont positifs côté Sonesta on peut se demander si les défauts de paiement reprochés à Marriott et IHG sont un signal négatif par rapport à leur santé. De ce côté il ne semble pas y avoir trop d’inquiétude à avoir : IHG et Marriott vont bien, ou de manière plus réalise aussi peu mal qu’on puisse aller dans ces temps compliqués. Mais contrairement à un Accor dont la colonne vertébrale est principalement encore européenne et a beaucoup souffert, eux sont très présents aux USA où l’industrie du voyage a moins souffert et a pu survivre sur ce qui restait du marché intérieur.

Mais on peut penser que l’occasion est belle pour ces groupes de se séparer de quelques établissements (100 hotels pour Marriott c’est une goutte d’eau par rapport à ses 7000 établissements) auxquels ils ne croient plus dans ce contexte et ce à moindre frais.

Le double jeu de SVC

Et vous allez demander « pourquoi Sonesta ? ». Il se trouve qu’en plus d’investir dans des hôtels dont il propose l’exploitation à des groupes hôteliers, il investit également dans certains de ces groupes. En l’occurence SVC détient 34% de Sonesta…l’occasion de doublement valoriser ses investissements.

Quel futur pour Sonesta ?

Finalement l’année 2020 n’aura pas été si mauvaise pour Sonesta qui va plus que tripler de taille en récupérant grâce à un investisseur commun plus de 200 hôtels de ses concurrents.

Mais de là à dire que Sonesta va changer de dimension : avec moins de 300 établissements Sonesta est et restera un acteur de niche. Mais un acteur qui a décidé de bien exploiter sa niche, aussi petite soit-elle.

Image : Hotels Sonesta de ccpixx photography via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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