Alitalia dans l’impasse

Un énième épisode du feuilleton de la reprise d’Alitalia et là on peut dire que cela commence à sentir le roussi pour la compagnie italienne.

Rappel des épisodes précédents

Dans les années 90 Alitalia a failli fusionner avec KLM qui s’est finalement retirée du deal puis être rachetée par Air France-KLM dans les années 2000. Mais l’offre au départ acceptée a été ensuite refusée par le gouvernement Berlusconi qui trouvait le prix de cession trop bas.

Elle a donc fini par tomber dans les bras d’Etihad dans le cadre de la stratégie de développement calamiteuse de cette dernière. L’idylle tourne court et Etihad se retire laissant Alitalia avec une dette abyssale qui conduit à son placement sous procédure de sauvegarde en 2017.

En février dernier c’est Delta qui fait figure de favorite pour le rachat à la tête d’un consortium incluant possiblement easyJet. Un mois plus tard on parle davantage de partenariat que de rachat. Puis easyJet annonce ne plus être intéressée. En avril on parle d‘un intérêt de China Eastern mais l’affaire ne va pas plus loin.

En juillet un scénario enfin fiable semble se dessiner : 10% pour Delta, 35% pour  Ferrovie dello Stato , 15% pour le ministère de l’économie et 40% pour Atlantia, la holding du groupe Benetton .

Entre temps Lufthansa s’était dite intéressée mais sans aller plus loin car elle voulait un plein pouvoir décisionnel ce qui est hors de question pour le gouvernement.

Mais avec Alitalia et le gouvernement italien rien n’est jamais simple. En septembre le gouvernement demande à Delta d’augmenter sa participation. Refus de la compagnie américaine qui, dans ce cas, voudrait davantage de contrôle sur la stratégie de la compagnie, une chose que le gouvernement ne veut pas entendre.

Le mois dernier c’est Lufthansa qui revient à la charge en proposant 200 millions d’euros mais à la seule condition que le gouvernement restructure la compagnie en profondeur au préalable. A côté Delta maintien son offre à 100M pour 10% du capital.

Et alors que la date butoir du choix du repreneur était fixée au 21 novembre dernier tout l’édifice s’effondre avec la décision d’Atlantia de se retirer du dossier le 19 suivie par une déclaration de Ferrovie dello Stato disant que les conditions de formation d’un consortium ne sont pas réunies à ce jour.

Des pertes record pour Alitalia

Retour donc à la case départ alors qu’Alitalia n’a pas dégagé de profit depuis 15 ans et perd aujourd’hui 700 000 euros par jour !

Aujourd’hui les syndicats pressent donc le gouvernement de trouver une solution pour assurer la pérennité de l’entreprise mais de part et d’autres on est dans une situation de déni total car si le gouvernement détient une partie de la solution il est aujourd’hui également une grosse partie du problème.

Le gouvernement italien au cœur du problème

De tout temps et peu importe le gouvernement en place même si l’actuel semble actuellement un peu plus pragmatique que le précédent, la préservation de l’emploi et l’identité de la compagnie ont été le point d’achoppement de toutes les négociations.

Le gouvernement veut que la majorité du capital reste entre des mains italiennes publiques ou privées et que l’on touche au minimum aux emplois.

Quel partenaire aérien accepterait d’investir ainsi sans avoir la main sur la stratégie de la compagnie ? Aucun !

C’est la raison pour laquelle Delta ne veut pas monter au dessus de 10% (100M) et que Lufthansa s’est dit intéressée pour investir dans une compagnie restructurée mais pas dans l’Alitalia actuelle. Et le temps presse pour trouver une issue car l’entreprise arrive au bout des différent prêts qui lui ont été consentis par le gouvernement.

Quelles solutions pour Alitalia ?

Avec le retrait d’Atlantia c’est tout le mécano imaginé par les administrateurs de la compagnie qui s’effondre. Il faut donc repartir de zéro.

Un rachat par Delta ou Lufthansa dans les conditions proposées par le gouvernement semble impensable. Des deux côtés ce sera donnant donnant : de l’argent frais oui mais à condition qu’on tienne les rennes de la compagnie.

Lufthansa est claire sur le sujet et subordonne tout investissement au fait que la compagnie ait été préalablement « nettoyée » : entendez par là la cession d’un bon tiers de la flotte et la suppression de la moitié des emplois. Les allemands qui ont prouvé leur savoir faire dans le redressement de compagnies aériennes ne payeront pas « pour voir » ça c’est certain.

Par contre Lufthansa reste ouverte à un « partenariat » en attendant. Mais ça ne règle pas la question de l’argent frais dont l’entreprise a absolument besoin. Et aurait un effet de bord : on ne voit pas Alitalia être à la fois sous l’aile de Lufthansa et rester dans Skyteam !

Un cul de sac qui amène certains à proposer ce qui semblerait la seule issue possible : renationaliser la compagnie sachant que le gouvernement n’envisage pas l’option qui consisterait à laisser l’entreprise mourir de sa belle mort.

Ca n’est sûrement pas l’issue à laquelle s’attendait le gouvernement mais certainement la seule qui soit réalisable dans de brefs délais.

La suite au prochain épisode.

Photo : aile d’un avion Alitalia  de Alena Zharava via Shutterstock

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
1,324FansJ'aime
932SuiveursSuivre
9SuiveursSuivre
1,272SuiveursSuivre
351AbonnésS'abonner

Articles populaires

Articles récents