Classements des compagnies aériennes : que valent-ils ?

Au début de l’été le classement AirHelp des meilleures compagnies aériennes a beaucoup fait parler de lui. Certains y ont vu une nouvelle opportunité de porter aux nues leur compagnie préférée, d’autres de critiquer celles qu’ils n’aiment pas mais, au final, pas mal de voix se sont levées pour discuter sa pertinence.

Les classements des compagnies aériennes : un débat sans fin

C’est le propre du serpent de mer des classements des compagnies aériennes : ils donnent autant l’occasion de débats passionnés qu’ils prêtent à la discussion pour ne pas dire au doute. L’occasion pour nous, chez TravelGuys, de dire ce qu’on en pense.

Revenons sur le classement AirHelp pour commencer et regardons la méthodologie. Le retard moyen est une donnée objective et peut sujette à discussion. La qualité de service en est un autre. On parle de prise en compte de multiples indicateurs mais ça reste un peu obscur. Et visiblement cela ne repose en rien sur des retours clients alors qu’on sait bien qu’en matière de service c’est la perception qui compte : les données (puisque c’est de cela qu’on parle a priori) donnent, lorsqu’elles sont pertinentes et justes, une vérité froide, « absolue », qui peut être en totale contraction avec le ressenti du client. Dernier critère, l’efficacité du service client, mesuré sur manière dont sont traitées les réclamations.

Attardons nous sur ce dernier point. L’indemnisation des passagers c’est le métier de AirHelp. Ils ont donc facilement accès aux données d’indemnisation de leurs propres clients, soit, mais sans aucune garantie que cela constitue une base représentative de l’ensemble des passagers et des compagnies.

Quand vous lisez une étude,demandez vous qui la finance

De manière générale il y a deux types d’acteurs dans le monde des études/classements : ceux dont c’est le métier et ceux dont ça ne l’est pas.

Il y a des acteurs dont le métier consiste à faire des classements, on reparlera d’eux plus tard. Il y en a d’autres, et c’est le cas de AirHelp dont le métier est tout autre mais qui produisent des études ou des classements connexes à leur secteur d’activité : cela s’appelle du marketing. Comprenons nous bien : le but n’est pas que le classement soit fiable mais qu’on parle de l’entreprise, que sa notoriété augmente. Et là le coup est parfaitement réussi.

J’oubliais un troisième cas : ceux dont ça n’est pas le métier mais qui font les choses proprement. Par exemple en Mars Flighright avait fait une étude sur les droits des passagers aériens avec l’institut Odoxa. Odoxa est un sondeur sérieux qui a pignon sur rue et garantit dans la cas présent que l’échantillon sondé est bel et bien représentatif et que les questions ne sont pas biaisées. Ca reste du marketing, ça reste une question de notoriété, on peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres mais les chiffres sont sincères et représentatifs.

Bref, peu importe le sujet, quand sort un classement ou une étude, regardez toujours qui est derrière…ça vous aidera souvent à deviner ce qui en ressort sans même le lire. Une étude sur la banque en ligne par in Fintech, une étude sur les limitations de vitesses faites par le gouvernement ou à l’inverse un constructueur automobile.

Bref, faites ce que vous voulez du classement AirHelp, il contient des choses qui sont a priori logiques, d’autres beaucoup plus discutables mais eux sont clairs sur la méthodologie. Si le lecteur veut se tromper lui-même libre à lui.

Mais les autres classements sont ils plus fiables ?

Recherche agent Skytrax désespérment

Le classement qui fait foi, le Michelin de l’aérien c’est Skytrax. C’est la référence mais il n’est pas exempt de reproches non plus. Personne n’a compris que Lufthansa, par exemple, passe 5 étoiles sur la base de la promesse d’un produit tout juste présenté et pas mis en service avant des années. Même chez le transporteur allemand on a dû croire à une blague.

Turkish, par exemple, qui pendant des années a fait des nombreux prix que lui a décerné Skytrax sont cheval de bataille vient de décider de ne plus figurer au classement. Si le haut du classement semble cohérent on peut toutefois s’étonner de certaines incongruités passée la 5e place…

Les forums spécialisés comme FlyerTalk  regorgent d’ailleurs de discussions sur le sujet et pour beaucoup les prix Skytrax vont à ceux qui paient le plus.

Pour preuve : Skytrax fonctionne de deux manières. Des reviews de clients postées sur leur site et des enquêtes impromptues effectuées auprès de passagers. J’ai récemment fait une petite enquête autour de moi, qui ne vaut que ce qu’elle vaut. Auprès d’un groupe de personnes dont beaucoup tournent autour des 100 vols par an depuis des années :

– personne ne laisse de reviews chez Skytrax

– un seul a déjà vu un agent SKytrax (on parle d’une personne qui a un moment de sa vie volait assez pour être platinum sur les 3 grosses alliances aériennes !).

Si Skytrax est la référence c’est sûrement faute de mieux car trop de zones d’ombres subsistent quant à l’objectivité du classement.

Et les APEX Awards dans tout ça ?

Un autre classement souvent mentionné est le classement APEX (Airline Passenger Experience Association). Il s’agit d’une association de professionnels du secteur (en gros les prestataires et fournisseurs des compagnies) qui récompense les choses réellement accomplies sur une année.

Point positif : la connaissance du sujet.

Points négatifs : c’est un peu consanguin car au final sont primées des choses que les compagnies ont faites avec l’aide de certains d’entre eux et, surtout, la voix du client est absente du dispositif. Un comble quand on se présente comme l’association de l’expérience passager.

Mais leurs awards ne prêtent pas plus à débat que Skytrax, voire moins.

De la difficulté d’évaluer une compagnie

Une compagnie aérienne n’est pas un tout uniforme, beaucoup de paramètres entrent en compte.

Déjà le type de vol. Entre du long et du moyen courrier ça peut être le jour et la nuit en fonction du positionnement, des choix et des priorités. On peut être très bon en long courrier et raboter les prestations sur le moyen courrier. Ou l’inverse : être bon sur le moyen mais ne pas savoir délivrer une expérience consistante sur du long.

De l’aéroport principal. Les retards ne sont pas toujours imputables aux compagnies, loin de là. Mais quand vous avez votre base principale sur un aéroport engorgé ou mal géré vous aurez un taux de retard supérieur à vos concurrents qui n’y opèrent que quelques vols par semaine.

De l’appareil. Tous les appareils ne sont pas aussi confortables les uns que les autres. Ensuite il y a ce qu’en font les compagnies aériennes : l’aménagement intérieur est de leur responsabilité. Et parfois au sein d’une même flotte, pour un même appareil, plusieurs types de cabines coexistent. Prenez les 777 d’Air France entre les cabines dites « Best » et les NEV 4 à siège toboggan que l’on peut trouver en business suivant les destinations c’est le jour et la nuit. Idem d’ailleurs en éco ou pitch, inclinaison du siège et taille d’écran n’ont rien à voir.

De la classe. Et bien oui on voyage mieux à l’avant qu’à l’arrière. Mais certaines compagnies sont très acceptables sur l’éco et ont du mal de proposer une prestation en rapport avec le prix demandé dans les classes avant alors que pour d’autres c’est exactement l’inverse.

De l’équipage. Vous avez le meilleur appareil avec la meilleure cabine et la prestation proposée à l’air géniale ? Pas de chance : un mauvais équipage peut ruiner votre expérience de vol. A l’inverse un bon équipage peut vous faire oublier un produit « moyen ».

Autant de facteurs qui font que deux vols ne se ressemblent jamais et qu’il est difficile de faire des généralités sur une compagnie donc de dire de manière absolue que celle-ci est systématiquement meilleure que celle là. Oui Emirates est meilleure de Lufthansa ou Air France. Mais vous trouverez aussi des exemples de passagers qui ont eu exactement l’expérience inverse.

Très souvent quand on me demande ce que je pense d’une compagnie je réponds « ça dépend, c’est pour aller où ? ». Cela veut tout dire.

L’important c’est l’expérience passager, le reste c’est de bouillie pour experts

S’il y a une certaine variabilité dans ce que délivre une compagnie, sur la masse des vols on doit quand même pouvoir tirer des statistiques fiables, au moins en tendance. Oui mais…

Peu importe qu’une compagnie soit notée 7,2/10 pour ses équipages et 8/10 au global. La réalité c’est que sur un vol donné ce sera 9 ou 4…. Plus souvent 9 que 4 mais le 4 est possible. Et pour le passager qui sera confronté à la seconde situation son expérience ne sera a pas 8/10 mais à 4 et il se moquera bien de savoir que 80% des passagers ont eu une meilleure expérience que lui.

On fait des classements pour aider le client à choisir ses vols mais son vol ne sera pas une moyenne, il sera un élément de cette moyenne. Ce que ces classements devraient nous donner ça n’est pas que la moyenne mais la distribution autour de la moyenne, autrement dit la variabilité de la qualité de la prestation fournie. Beaucoup de compagnies sont capables du meilleur, la question est de savoir à quel point il est possible qu’elles s’écartent de leur standard. Et pour certaines cela arrive beaucoup trop souvent. Et c’est peut être cela qu’on a besoin de savoir.

Donc continuons à avoir des débats passionnés à chaque sortie de classement mais ne les prenons que pour ce qu’ils sont.

Crédit photo : customer experience par Black Salmon via Shutterstock.

 

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
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