La contribution du digital à la travel expérience : les assistants intelligents

A quoi le digital va-t-il bien pouvoir servir aux acteurs du monde du voyage pour passer un cap ? Vous allez me dire « mais il est déjà partout le digital, le secteur l’a adopté ». D’un coté c’est vrai, mais de l’autre c’est contestable.

C’est vrai parce que le secteur a principalement digitalisé l’existant (booking, relation client), dématérialisé (de la carte d’embarquement à la clé d’hôtel) et a été , après avoir longuement tergiversé, rejoindre le client là où il était pour lui parler au travers des canaux qu’il utilise. Une mise à jour indispensable mais pas exceptionnelle. Tenir la promesse faite au client, combler le retard, et se rendre accessible de lui là où et quand il l’entend est la première des politesses, le minimum syndical. Bien sur il y a eu une amélioration parfois substantielle de l’expérience client sans qu’il y ait raison de s’emballer sur le sujet. On est passé de l’âge de pierre à l’âge de l’électricité avec 5 ans de retard sur un client qui attendait de pied ferme. Le client apprécie l’effort mais ne va pas survaloriser une entreprise qui fait « juste » son boulot.

L’industrie du voyage n’a fait que combler son retard dans le digital

L’étape suivante c’est d’apporter une valeur nouvelle. Parmi les options qui existent aujourd’hui je vais insister sur l’assistance et la personnalisation du service.

Pourtant l’assistance tout le monde en fait. Effectivement mais pas pour tout le monde, pas au même niveau et pas avec le même degré de personnalisation. Il y a ceux qui ont le service client « normal » et ceux qui ont la ligne spéciale et le concierge dédié. Normal. C’est un service qui coûte de l’attention et du temps homme, donc réservé aux segments premium. Plus on descend moins le service est rapide, personnalisé et proactif.

Mais la force du digital est justement de permettre la « customisation de masse » et par la logique des effets d’échelle permis par des logiques de plateforme, de donner au plus grand nombre ce qu’on ne donnait qu’à certains. Quand le fait de donner une bonne expérience demande moins d’attention et de temps humain on peut généraliser des dispositifs de niche. C’est à dire en l’occurrence donner à tous un service individualisé et proactif.

Début novembre j’ai assisté au « T3 Business Forum, Tourism, Transport, Technology », événement soutenu par Aéroports de Paris, Air France, Amadeus et Skyboard, et la collaboration du Welcome City Lab.

Un certain nombre de startups exposaient sur quatre domaines.

– Village Créer : « les équipements intelligents »
– Village Faciliter : « les solutions pour la relation client »
– Village Enrichir : « l’expérience voyageur »
– Village Divertir : « les loisirs de demain »

Les assistants digitaux personnels : la nouvelle frontière de la travel experience

Ironiquement il me semble que c’est au village « enrichir » que j’ai trouvé mon bonheur en termes d’expérience client ce qui montre à quel point la frontière est fine entre relation client et expérience client, voire qu’il s’agit d’un seul domaine artificiellement segmenté (reste à comprendre pourquoi).

J’y ai donc découvert deux startups proposant ce qui me semble être une avancée majeure, proche, inévitable et indispensable de l’expérience client.

La première s’appelle PATH. PATH est un assistant de voyage qui, tout d’abord, alerte le voyageur à toutes les étapes de son voyage. Départ, arrivée, retards, grèves, changement de porte etc.path - travel assistant

Alors vous allez me dire que cela existe déjà. Et bien pas vraiment. Toutes les compagnies ne proposent pas ce type de service, tout n’est pas toujours proposé à toutes les catégories de voyageur et, enfin, aucun service ne couvre la totalité de l’expérience de voyage. Ce que j’entends par là est qu’avoir une compagnie aérienne et un hotel qui m’informent chacun de leur coté est une chose, mais ce qui représente deux prestations isolées de leur coté est un voyage unique pour moi. Tout rassembler dans un seul assistant en supprimant le silo aérien/hotel colle donc davantage à la réalité de l’expérience passager. En prenant en compte avion, hôtel, transferts, locations de voiture etc., le service suit la chaine d’expérience du passager.

PATH permet de suivre la chaine d’expérience du voyageur

Mais ça n’est pas tout. PATH sait être proactif et me proposer des choses. Par exemple un transfert aéroport/hotel.  Enfin, PATH peut aller beaucoup plus loin. En fonction de ce que vous laissez connaître de vos goûts, l’application peut vous suggérer un type de restaurant le soir sur place. En effet PATH n’est pas qu’un outil d’alerting mais un assistant avec lequel on interagit.

PATH peut il résoudre les problèmes ? Oui et non. En fait il les remonte à l’entité compétente et fait le suivi. Ce qui nous amène justement à explorer le business model du produit et à qui il est destiné car cela dit tout sur la manière dont il contribue à l’expérience passager.

Les clients de PATH sont les entreprises et les opérateurs du monde du tourisme. Les entreprises car elles peuvent mettre le service à disposition de leurs collaborateurs qui se déplacent. Toutes les infos sur les voyages sont récupérés du travel desk quand il existe ou au travers des informations contenus dans les emails de confirmation envoyés au collaborateur voyageur. Les « opérateurs » car ils peuvent mettre ce service à disposition de leurs clients en marque blanche. Un hôtel pour ses clients le temps d’un voyage ou un office du tourisme qui dans la logique de « vente de destination » veut offrir un service autour d’une offre packagée faisant intervenir de nombreux acteurs. Une agence de voyage pour des raisons évidentes également.

C’est pour cela que PATH ne gère pas la gestion des incidents : étant dans une logique B2B2C c’est au 2e B de la chaîne que revient ce rôle qu’il valorise justement auprès du client final. Si le fournisseur de service venait à prendre cette partie en charge, il « ubériserait agressivement » le B en question et se fâcherait avec son réseau de distribution. Fâcheux.

Bref, si PATH n’est pas pour vous et moi (en tout cas pas directement) c’est une bonne idée de la manière dont les entreprises et les professionnels du tourisme peuvent délivrer une expérience supérieure à leurs collaborateurs/clients voyageurs et ce au travers d’un dispositif qui fonctionne à l’échelle du business de chacun.

Ce qui ne m’ôte pas de l’idée qu’une version B2C de PATH (avec simplement l’alerting et la suggestion) pourrait être très pertinente.

La seconde startup qui a attiré mon intérêt se nomme Wiidii. Wiidii se présente comme un assistant personnel hybride ce qui, concrètement, signifie qu’à la différence de PATH il prend en main la gestion des problèmes car en plus de la technologie il existe un service de concierge/majordome bien humain qui prend le relais de la technologie quand c’est nécessaire.

Wiidii

Concrètement cela veut dire que vous pouvez demander à Wiidii de vous prendre un rendez vous chez le coiffeur et plus de lui demander de vous tenir informé du suivi de vos réservations de vacances etc.

Wiidii : un groom et un assistant dans votre mobile

Les deux stands (PATH et Wiidii) étaient côte à côte mais pour autant je ne les vois pas comme concurrents. Il existe une légère zone de recouvrement il est vrai mais je considère davantage PATH comme un outil pro dédié à la gestion de ma travel experience alors que Wiidii sera peut être moins pointu sur le sujet (mais assez pour la plupart des voyageurs individuels) mais m’aidera davantage dans mon quotidien de cadre débordé.

Fait intéressant, Wiidii a bien entendu une offre « entreprise » mais également une offre « particulier ». Ce qui confirme la différence d’offre et de positionnement. Mais le fait que les deux aient principalement une offre B2B est un signal fort : c’est aux « opérateurs » d’apporter de la valeur à leurs clients. Si c’est l’utilisateur final qui finit par se construire son propre gestionnaire d’expérience voyage, les acteurs de la chaine auront encore raté une occasion de justifier leur présence, leur coût et démontrer leur valeur. Attention, l’ubérisation guette : si les acteurs du tourisme ne proposent pas de tels services au sein de leur offre d’autres le feront, récupéreront la data, évacueront un ou deux maillons de la chaine etc. On connait déjà la fin du film et il sera trop tard pour venir pleurer.

Les assistants digitaux (ou « phygitaux ») personnels sont un terrain de jeu majeur pour le digital dans l’expérience du voyageur. Mais a coté de ces deux startups qui m’ont vraiment plu je ne peux pas ne pas compléter mon propos par d’autres choses vues depuis un certain temps de l’autre coté de l’Atlantique.

Wayblazer pense expérience et non produit

Le premier, que j’ai dans mon radar depuis un bout de temps est Wayblazer.

wayblazer

Alors vous allez me dire que c’est un outil purement B2B qui aide les agences de voyages à créer les voyages de leurs clients. Oui, mais en comprenant le langage naturel (autrement dit on lui parle en français – ou anglais) et travaillant sur l’intention il offre une meilleure expérience à l’agent, expérience qui se répercutera également sur le passager qui aura une vraie offre personnalisée et unique.

Pour aller à l’essentiel, Wayblazer tue la chronologie de la construction d’un voyage. Avant on partait de nos envies ou besoin, on faisait des recherches pour trouver des endroits qui y répondent, puis on passait à la phase de recherche de moyens de transport, hôtels etc. Avec Wayblazer on dira « une destination mi culturelle mi balnéaire à moins de 6h d’avion et où il ne fait pas trop humide en décembre ». Et l’outil affinera son offre en interagissant avec la personne. L’idée étant de coller à l’intention du voyageur, à l’opposé des offres préconçues et pré-pensées. D’une certaine manière Wayblazer pense expérience et non produit.

Ivy accueille et sert les clients des hôtels

Remarquez que si aujourd’hui Wayblazer est un outil pour l’agent de voyage face au client final, je ne vois pas pourquoi, une fois la technologie un peu plus mure, il ne deviendrait pas un outil au service du client final.

WayBlazer utilise la technologie Watson d’IBM dont les observateurs louent le potentiel en termes de relation client. La relation client c’est justement le business de GoMoment qui vient d’annoncer Ivy, un autre produit reposant sur Watson.

Ivy

Ivy est un produit destiné aux hôteliers désireux d’améliorer expérience et relation client.

Et là une vidéo vaut mieux que tous les textes.

 

https://www.youtube.com/watch?v=CEtoskhy4AI

 

Et vous ? Avez vous des idées de « use case » d’amélioration de la travel experience grâce au digital ?

Bertrand Duperrin
Bertrand Duperrinhttp://www.duperrin.com
Voyageur compulsif, présent dans la communauté #avgeek française depuis la fin des années 2000 et passionné de (longs) voyage depuis sa jeunesse, Bertrand Duperrin a cofondé Travel Guys avec Olivier Delestre en mars 2015. On peut le retrouver aussi aussi sur http://www.duperrin.com où il parle depuis plus de 10 ans de la transformation digitale des organisations, son métier quand il est au sol.
1,324FansJ'aime
929SuiveursSuivre
9SuiveursSuivre
1,272SuiveursSuivre
351AbonnésS'abonner

Articles populaires

Articles récents